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Élections américaines (4/4) : Les traditionnels « abstentionnistes » se mobiliseront-ils cette fois ?

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A un mois de l’élection, les États-Unis sont plus que jamais divisés et fragilisés par une crise sanitaire inédite. Le président-candidat doit faire face à la pire récession économique depuis 1929. Les évènements récents ont fait que les questions raciales et climatiques se sont invitées comme jamais dans la campagne électorale. Or, aux États-Unis, le taux de participation aux présidentielles est relativement faible, en moyenne autour de 55% (55.67% en 2016). Vu leur nombre, les traditionnels abstentionnistes peuvent faire basculer l’élection si certains se décident à voter. Quels évènements pourraient les faire se déplacer ? Quel sera le poids des dernières promesses et décisions du président Trump ? Quel impact aura l’annonce de sa positivité au Covid-19 ?

 

Qui de Donald Trump ou Joe Biden pourrait faire voter les absentionnistes ?
Lequel des deux candidats arrivera à mobiliser les abstentionnistes ?

Une situation économique très difficile.

Avant la crise sanitaire, Donald Trump pouvait se targuer d’un bon bilan économique.  La croissance était proche des 3% en rythme annuel, le taux de chômage à 4% avec un plancher record à 3.5% fin 2019 et Wall Street était au firmament. Ses chances de victoire étaient fortes car en période de croissance les présidents américains sont généralement réélus. Ce fut le cas de Reagan en 1988, de Clinton en 1996, de Bush fils en 2004 et d’Obama en 2012. Par contre, aucun président depuis Calvin Coolidge en 1924 n’a fait deux mandats en période de récession : Jimmy Carter a été battu en 1980 tout comme George Bush père en 1992.

La crise du Covid-19 a tout changé. Donald Trump doit aujourd’hui montrer aux américains qu’il œuvre pour redresser une économie en crise. A la rentrée, le président-candidat pouvait se vanter d’une baisse encourageante du taux de chômage, soutenue notamment par la vente au détail et le service public. Le taux de chômage était passé de 14.7 % en avril à 10,2 % en juillet et 8,4 % en août. Mais le chômage est reparti à la hausse mi-septembre. Plusieurs économistes s’inquiètent des effets durables de la pandémie sur l’emploi. Les écoles sont restées fermées à la rentrée dans de nombreux États et cela va peser sur l’économie.

Le vice-président de la FED, Randal Quarles, a indiqué qu’un nouveau soutien du gouvernement fédéral serait nécessaire pour une reprise solide. Or, depuis deux mois, la Maison-Blanche et le Congrès ne parviennent pas à s’entendre. Aucun nouveau plan d’aide pour les ménages et les entreprises, les écoles et les collectivités n’est sorti des débats. Malgré tout, les sondages montrent que les Américains font plus confiance à Donald Trump qu’à Joe Biden pour redresser l’économie. Les abstentionnistes traditionnels, qui sont majoritairement des jeunes, des personnes peu diplômées et à faibles revenus, sont sans doute affaiblis par la crise. Auront-ils à cœur de choisir celui qui œuvrera à redresser l’économie ?

Un rebond de violences raciales.

Avec la mort tragique de George Floyd au mois de mai, la question raciale s’est imposée comme jamais dans une campagne électorale. Confrontés au plus important appel à la justice raciale depuis les années 1960, les deux candidats sont diamétralement opposés sur cette question.

Donald Trump est le candidat de la loi et l’ordre, qui répond essentiellement aux préoccupations de l’Amérique blanche et conservatrice constituant sa base électorale. Il affronte uniquement le problème en termes de maintien de l’ordre. En face, Joe Biden se présente en leader empathique et rassembleur, capable de réconcilier l’Amérique. Il promet, en cas de victoire, de s’attaquer au « racisme institutionnel » dès les 100 premiers jours de sa présidence. Mais la population noire reproche aussi à l’ancien sénateur du Delaware la «  Biden Crime Law » de 1994. Elle considère cette réforme pénale comme répressive et en partie responsable de l’incarcération massive des Noirs américains. Et Donald Trump ne manque pas de le lui rappeler.

Ainsi, si la question raciale hante la société américaine, l’impact des évènements de ces derniers mois sur le scrutin reste très incertain. En 2016, la mobilisation des électeurs noirs avait été moins forte et dans certains comtés afro-américains cela avait pénalisé Hillary Clinton. Dans le contexte actuel trés tendu, les potentiels abstentionnistes, qu’ils soient démocrates ou républicains, blanc ou noirs, se mobiliseront-ils davantage ?

Des évènements climatiques de plus en plus nombreux.

Sur la question du changement climatique, les États-Unis sont aujourd’hui confrontés à des réalités indéniables. Les records de chaleur se multiplient comme les crues, les ouragans, ou les incendies tout récemment. Les questions environnementales se sont invitées comme jamais dans la présidentielle.  Selon Jon Krosnick, professeur de science politique à l’université Stanford, la proportion d’américains qui votent pour un candidat en fonction de son programme sur le changement climatique n’a jamais été aussi forte. Ainsi, selon son dernier rapport publié en aout, elle atteindrait 25%.

Donald Trump ne peut se vanter de son bilan environnemental. Il s’est retiré de l’Accord de Paris et a abrogé ou assoupli une quantité de normes anti-pollution. Le président Trump évite désormais de parler de « canular », mais l’argument économique et culturel l’emporte chez lui face à la lutte contre le changement climatique.  Joe Biden promet lui de consacrer 2 000 milliards de dollars sur quatre ans à la lutte contre le réchauffement climatique. Il ambitionne notamment d’atteindre la neutralité carbone en 2035 dans la production d’électricité. Il prévoit aussi un grand plan de rénovation du parc immobilier pour lutter contre les pertes énergétiques.

Le candidat Biden a clairement une vision plus environnementaliste du futur des États-Unis. Mais face à un avenir économique incertain, cela aura-t-il un impact sur les abstentionnistes traditionnels qui sont plutôt des personnes en difficulté ?

Un président Trump qui promet et décide jusqu’au bout.

La crise sanitaire sera-t-elle l’ultime facteur de décision des indécis ? Le président, désormais lui-même contaminé, a promis un vaccin pour le mois d’octobre et ce contre toute évidence scientifique. Les États-Unis ont enregistré le 22 septembre leur 200 000ème décès attribué au Covid-19. Sortie d’un vaccin ou non, les abstentionnistes seront-ils encore plus nombreux par crainte du risque de contamination ?

Le président Trump a pris une décision très controversée en nommant la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême à quelques semaines du scrutin. En prédisant une confirmation « rapide » par le Sénat, cette puissante institution sera pour plusieurs décennies ancrer dans le conservatisme. Cette annonce mobilisera-t-elle les traditionnels abstentionnistes et notamment ceux qui sont plutôt démocrates ? Et comment sera perçu le refus annoncé du candidat Trump de s’engager à reconnaitre le résultat de l’élection ?  Ou encore celui de ne pas publier sa feuille d’impôts ?

Tous ces points devraient être abordés lors des trois duels télévisés entre les deux candidats. Le premier, chaotique et violent a eu lieu le 29 septembre. Les deux autres débats auront-ils lieu, alors que Donald Trump vient d’être tester positif au Covid-19 ? Avec un candidat qui entre en quarantaine la campagne électorale plonge cette fois dans l’inconnu !

 

 

 

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Marie-Christine BIDAULT

Marie-Christine Bidault est étudiante en journalisme à l'ESJ Paris. Par ailleurs Analyste en stratégies internationales (IRIS Sup') et Ingénieur en agriculture (ISARA Lyon), elle s'intéresse fortement aux questions de géopolitiques environnementale, agricole et alimentaire, avec un intérêt particulier pour les politiques américaines.

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